La pelouse qu’on laisse pousser…

Par Judy Emmanuelle

__________________________________________________________________________________________________________

 

Je n’ai pas osé lui dire que j’aimais l’herbe non coupée. Sur une partie de son terrain, il y a quelques fleurs çà et là et je vois régulièrement des papillons y virevolter. Les herbes plus hautes font comme des vagues à la surface de l’eau en se laissant bousculer par le vent… La hauteur de la végétation n’est pas encore au point de laisser croire à un sérieux laisser-aller. Elle est simplement semblable à une femme à l’indice de masse corporelle parfait ! Elle m’inspire le naturel qui s’accepte et se plaît à être telle que la nature l’a conçue…

Oui, sa pelouse m’inspire ces femmes qui se trouvent belles et qui, sans honte ni scrupules, peuvent se baigner nues et se laisser sécher au soleil, étendues dans l’herbe tout en se sentant bien.

J’ai décidé de m’installer dehors pour contempler ce naturel voué à disparaître sous peu pour laisser place à une image inspirant plus de rectitude, à ce qui est attendu dans ce quartier et dans bien d’autres. On y entend aux matins de fin de semaine le vrombissement des machines aux lames tournoyantes qui rétablissent l’ordre dans cette nature qui ne sait pas se contenir et se tenir !

La tondeuse est peut-être comme un rasoir.

Bien utilisé, on peut se sentir bien par la suite. J’avoue aimer l’odeur de l’herbe coupée. Elle me rappelle que les plantes tentent à leur façon de communiquer. Et il est vrai qu’à un certain point, je préfère la vue d’une pelouse fraîchement coupée. Mais le rasoir (et peut-être aussi la tondeuse) est un outil qui reste la plupart du temps agressif pour le délicat épiderme qu’est le nôtre.

Notre souci va davantage vers l’adhésion à la norme sociale, qui veut que même notre corps doit cacher que nous avons des traits propres aux mâles. Sans quoi, à la façon dont on pénalisait une femme trop entreprenante, on fera sentir à l’affublée d’une pilosité trop visible qu’elle n’est pas valorisée dans sa nature « équilibrée ».

 

…Ouais, je me suis abstenue de lui dire que j’aimais que l’herbe ne soit pas coupée.

En ces temps de pandémie

Par Jeanne du Mont

__________________________________________________________________________________________________________

 

S’il existe un Dieu Tout-Aimant (comme en ont la certitude tous les monothéistes et plusieurs autres croyant⸱e⸱s), il est dans l’ordre des choses qu’Il intervienne dans l’histoire humaine pour remettre les pendules à l’heure quand tout détraque.

Le nombre de fois où les Écritures annoncent un tel « réajustement » divin est tout à fait impressionnant : à croire que toute la Bible a été écrite pour nous préparer à ce Jour ! Un Jour grand et terrible comme il n’y en a jamais eu et qu’il n’y en aura jamais plus. Un Jour de Purification, où détresse et angoisse seront au rendez-vous, mais surtout, transformation profonde et re-création.

Est-il question d’épidémie dans les prophéties concernant ce Jour ? Le mot « épidémie » n’est mentionné que deux fois, dans la version TOB[a] de la Bible. Voici l’un de ces deux passages :  

« 46 Ce qui t’arrivera là sera pour toi un signe, un avertissement céleste pour toi et ta descendance, à jamais. 47 Parce que tu n’auras pas servi IHVH-Adonaï ton Elohîm de bon cœur et avec joie quand tu étais dans l’abondance (…) 59 tu seras frappé·e, toi et ta descendance : fléaux étonnants, fléaux grands et persistants, maladies pernicieuses et tenaces. 60 Et les épidémies que tu redoutes se retourneront contre toi et colleront à toi.[b] »

Le mot « peste » (qui est étroitement apparenté à « épidémie ») est pour sa part mentionné 51 fois dans la Bible, y compris dans ce passage très particulier :

« Elohaï, le Saint, arrive. Sa majesté couvre les cieux et sa louange remplit la terre. Son éclat fulgurant est comme une lumière aux paumes de sa main, là où est profonde son énergie vive. En avant de lui avance la peste, et l’étincelle émane de ses pieds. Il se dresse, et fait vaciller la terre ; il plonge son regard, et ébranle les nations.[c] »

Ce passage est particulier parce qu’il affirme que la peste (l’épidémie) précède l’arrivée du Saint, dont la lumière émane des pieds et des mains : y voir une préfiguration du Christ aux pieds et aux mains transpercés, d’où émane notre salut, n’est pas du tout tiré par les cheveux, selon moi.

D’autant plus que le fameux coronavirus tire son nom de sa forme arrondie couverte de pics qui donne l’impression d’une couronne (corona en espagnol), et plus encore : d’une couronne d’épines.

En ces temps de grands bouleversements, ma prière se porte tout particulièrement vers les jeunes déjà si meurtris par le poids énorme du sort du monde qu’il⸱elle⸱s portent sur leurs épaules. Qu’il∙elle∙s sachent que leurs cris ont été entendus et que Dieu lui-même vient mettre l’épaule à la roue pour renouveler en profondeur le cœur des humains.

Message à tous ceux et celles « qui éprouvent du dégoût pour eux-mêmes à cause de tout le mal que nos abominations ont fait[d] » : « Ne crains ni la peste qui avance dans l’ombre, ni le fléau qui dévaste en plein jour[e]. » Car le Christ lui-même a dit : « Il y aura des épidémies et des phénomènes terribles et, venant du ciel, de grands signes (…) Les nations seront dans l’angoisse, les humains défailliront et trembleront, dans l’attente de ce qui surviendra dans le monde. Mais quand cela commencera d’arriver, redressez-vous et relevez la tête, car elle est proche, votre rédemption.[f] »

 

[a] Traduction Œcuménique de la Bible (traduction acceptée par toutes les Églises chrétiennes).

[b] Extraits du chapitre 28 du livre du Deutéronome.

[c] Du livre du prophète Habaquq, chapitre 3, versets 3 à 6.

[d] Du livre du prophète Ézéchiel, chapitre 6, verset 9.

[e] Psaume 91, verset 6.

[f] Évangile de Luc, chapitre 21, versets 11, 26, 28.

S’aimer soi-même

Par Judy Emmanuelle

__________________________________________________________________________________________________________

 

Je suis de ceux qui pleurent quand leur personnage préféré meurt dans une série télé.

Je m’attache aux gens, aux idées, aux choses…

Aujourd’hui, j’ai visionné un film où un personnage se bat durant toute la durée de l’histoire : il donne tout pour tenter de procurer une nouvelle vie à sa fille qui, à la fin, meurt assassinée.

Il s’éteint lui-même à ses côtés, après avoir constaté sa mort. 

De mon côté de l’écran, alors que ce personnage voyait la petite figer dans ses bras, j’ai vu défiler les possibilités pour lui de refaire sa vie en se dédiant à une ou l’autre cause pour que son histoire ne demeure pas vaine. Mais il avait fait de sa fille son unique horizon et son cap : c’était elle qu’il aimait. C’était sa fille, sa raison de vivre ; son lien et sa corde à la vie, c’était elle.

Alors que je me préparais un thé après le film, je songeais tristement à son trépas auto-infligé. Il aurait pu vivre. Je vois qu’il aurait pu continuer. Et à mon sens, il aurait dû.

Je me suis mise à rire en remarquant l’ironie de mes réflexions.

C’est la fille qui songe si souvent au suicide qui tient ce genre de discours interne !

Pourquoi est-ce que, moi, je vois la porte du suicide dans mon couloir d’options, alors que pour lui, cela me semblait impensable ? 

Parce que j’aimais ce personnage, tout simplement. Elle est là, la différence!

Aimer et Croire en une personne déclenche un goût (et peut-être même un besoin) d’engagement, de dévotion, ainsi que toute une série de façons d’agir qui vont selon cette ligne de conduite.

J’aimais ce personnage, je Croyais en lui, alors j’ai voulu qu’il vive, et ça m’a permis d’entrevoir ses possibilités futures. Quelque chose que j’aurais voulu lui transmettre pour qu’il avance et se choisisse.

À mon sens, il ne s’agit pas de s’accrocher, mais d’aimer, de se lier, de se choisir, de s’inspirer soi-même, pour se donner à nous et aux autres.

Je sais maintenant que, si je veux arriver un jour à ne plus avoir cette vision d’une falaise vers laquelle avancer pour mettre fin à mes souffrances, je vais devoir réaliser que je suis merveilleuse. Me voir, m’aimer, m’attacher à moi-même et me laisser être inspirée par mes propres péripéties…

Je suis mon héros si je le décide. Et je le décide.

Je me choisis, pour arriver à choisir ce monde meilleur auquel je crois.

Choisissez-vous, mes anges ! Louangez-vous d’amour et suivez votre voie !

Ça ne peut passer que par soi-même.

 

Je vous aime.

 

P.S. : Je viens de jouer à Become Human.

Ce que j’aime des jeux vidéo, c’est qu’ils Peuvent représenter pour nous une façon de vivre une expérience. Que l’on agisse dans un jeu ou dans la réalité, on apprend. Est-ce que nos subconscients font la différence entre la réalité et les images qu’ils voient à travers l’écran?

Nous nous définissons en toutes occasions, selon moi.

Et ma finale à ce jeu m’a appris quelque chose…

Ma façon de ne pas me permettre de jouer m’a appris quelque chose.

 

Martin Thibault, un poète d’ici et d’aujourd’hui

Par Rachel Filiatrault

__________________________________________________________________________________________________________

J’ai connu Martin Thibault lors d’ateliers au Festival international de la poésie de Trois-Rivières. J’ai tellement aimé sa façon de voir et d’enseigner la poésie qu’il est devenu mon directeur de poésie. C’est-à-dire qu’il m ‘envoyait (par le biais d’internet) des phrases de départ composées par différents poètes. Chaque semaine, je devais écrire un poème commençant par une phrase de son choix. Ainsi, de 2010 à 2011, j’ai évolué, j’ai cheminé en écriture avec M. Martin…

Mais parlons du poète. Récipiendaire du prix Jovette-Bernier en 1999, il a publié sept recueils, trois romans et deux essais, de 1995 à aujourd’hui. J’ai lu, entre autres, Haut fond, Les yeux sur moi, La totalité du paysage et Le radeau de papier. On peut dire deMartin qu’il est virtuose du réel, du concret. Mais il le prend, le nomme et l’élève. Tout en soulevant les grands questionnements de la vie, le passé, l’avenir, la mort, l’amour, le temps qui passe sous l’œil du poète nous ramène constamment à la nuit humaine… mais toujours avec cette touche poétique qui le caractérise.

Je vous laisse avec deux poèmes de Martin et un des miens (inédit). La phrase de la fin est aussi de Martin.

 

L’autre histoire

Le pépin est dans la pomme

Même sans croquer

On le sait

 

Quand la pomme a des oreilles

Et des mots à la bouche

Voilà l’autre histoire

Les dieux se chicanent pour un bout d’éternité

Le diable est aux vaches

Jésus n’y croit plus

Bouddha s’endort

Mahomet va enfin à la montagne

 

Le pépin est dans la tête

Même sans opérer

On le sait

 

Et me voilà

J’entends la bille de ton stylo qui roule

Sur le papier mince sur la table dure

Une boule de quilles sur une allée

De bois vernis

Et me voilà

Dans le sous-sol de la salle paroissiale

Debout autour d’une table au tapis vert

Où le son des abats se mêle

À celui de la blanche qui frappe la huit

S’arrête au bord de la poche

Je raccroche le diable à sa place

Puis mets du bleu sur ma baguette

Je regarde autour

Surpris

Cette impression de déjà vu

Et avec une force encore plus grande

Cette impression de déjà vu

J’étais en train de vivre un poème

Tu couches ton stylo sur un livre

Puis tu lève tes yeux bleus sur moi

Je te dis que tu étais déjà là

Dans la salle

Vingt ans avant de nous rencontrer

Nous sommes éternels

Et ce n’est pas dans la mort

C’est tout de suite ici

Dans la vie

 

 

Et voici mon poème…

 

Les tasses de couleurs

Certains matins on croit encore

Au bonheur [Cette première phrase est de Louise Dupré]

Petit café fringant

Confiture et beurre

Tintements des tasses de couleur

 

Un paquet de biscottes en miettes

Une nappe en fleurs

Un petit mot sur la table

Pour te rappeler

L’existence du pot de miel et de la marmelade de mots doux

Glissés sous ton oreiller hier au coucher

………………………

Et pour conclure, une phrase de Martin :

La tendresse, clé de tous les cadenas.

 

Aussi délicieux que faire l’amour, et plus encore

Par Jeanne du Mont

__________________________________________________________________________________________________________

Sortir de soi pour goûter l’autre : telle est ma définition de l’acte sublime qu’est faire l’amour.

Pour qui a beaucoup aimé, cette définition trouvera en ses tréfonds un écho. Bien plus qu’un plaisir, l’acte sexuel amoureux est une extase, une communion.

La seule autre expérience qui peut créer chez l’humain une vibration aussi intense et un sentiment de plénitude plus vaste encore, est l’élévation de soi goûtée lors d’expériences mystiques. Expérience de transcendance, expérience de sortie de soi, expérience de communion à l’Être le plus fascinant qui soit.

Expérience méconnue à laquelle bien trop peu d’humains s’adonnent, quoiqu’elle soit pourtant tout à fait gratuite et à la portée de tous. Expérience qui dépasse l’entendement. Acte qui élève l’humain au rang du divin.

On parle très peu de cet acte d’élévation, de nos jours. On préfère parler de méditation, un mot plus in, une notion plus quantifiable, plus proche de l’expérience matérielle qui est la nôtre. Méditer répond à telle ou telle méthode et produit tel ou tel effet mesurable : une recette éprouvée qui produit le résultat escompté. Méditer améliore la concentration et permet d’élargir sa conscience, c’est connu et c’est bénéfique pour l’humain.

Mais la méditation ne nous propulse pas nécessairement dans l’univers du Tout-Autre. Je la comparerais à l’auto-érotisme, ce qui n’est déjà pas mal comme expérience de plaisir, de satisfaction et d’apaisement. Rien de comparable, cependant, avec la très douce et très bouleversante rencontre de l’Être Tout-Aimant que l’on peut goûter et connaître dans l’expérience mystique.

Prier n’est alors pas le geste de faire le vide en soi ou de chercher à se concentrer sur une idée ou une série de mots précis. Prier est plutôt une sortie de soi pour se mettre en quête de cet Autre si attirant qu’on cherche à connaître et à saisir. Et tôt ou tard, cet Autre que l’on courtise finit par s’ouvrir à nous, nous dévoile son intimité profonde et nous y admet.

Ou est-ce plutôt nous qui nous ouvrons à Lui et l’admettons en nous ? Un mélange des deux, sûrement. Et le résultat est une symbiose magnifique, une communion extatique, un allègement de soi libérateur, une illumination soudaine ouvrant notre conscience au sens caché des choses.

« Je suis à mon bien-aimé et vers moi se porte son désir », dit la Bible au Cantique des Cantiques, chapitre 7, verset 11.

Le langage de l’amour physique est le langage même de ce Tout-Autre qu’est l’Infiniment Amoureux. À connaître. À explorer. À goûter.

Coeur de papa

Par Jeanne du Mont

__________________________________________________________________________________________________________

« Avant que n’arrive le Jour de IHVH-Adonaï, grand et redoutable, il ramènera le cœur des pères vers leurs fils et filles. »

Ce jour de Dieu doit être réellement très proche, car oui je vois de nombreux hommes tourner leur cœur vers leurs enfants. Des papas qui prennent grand soin de leurs petits, qui s’engagent personnellement dans une relation paternante[1] : proximité et prise en charge aimante de ce qu’ils ont engendré. Nous assistons là à un mouvement nouveau et irréversible, opérant un changement profond dans l’ADN de nos sociétés : une chose infiniment belle et bonne qui aura un effet positif majeur et durable sur les générations à venir. Une révolution.

« Avant que n’arrive le Jour de IHVH-Adonaï, grand et redoutable, il ramènera le cœur des pères vers leurs fils et filles. »

Cette citation est du prophète Malachie, le dernier des prophètes de l’Ancienne Alliance et ces mots sont en fait les tous derniers de l’Ancien Testament de la Bible. Ils ouvrent donc à une nouvelle réalité. Ils sont la jonction entre deux mondes : un monde ancien qui s’effrite sous nos yeux et un monde nouveau que nous appelons de tous nos vœux. La paternité responsable et aimante est le signe d’un monde renouvelé et heureux, car le Jour de IHVH, grand et redoutable, est en fait un Jour de renouvellement en profondeur, de restructuration, de purification, un Jour auquel la nature toute entière aspire de toutes ses forces.

« Car la création en attente aspire à la révélation des fils de Dieu » (Lettre aux Romains 8, 19)

Cette révélation attendue serait-elle justement celle du cœur des pères humains ? Cette ère paradisiaque à laquelle nous aspirons reposerait-elle effectivement sur cette nouvelle donnée : des hommes qui, sans perdre leur nature virile, ont connecté à leurs entrailles d’humains ? L’humanité, en effet, n’a aucun besoin plus grand que celui-là : besoin d’hommes aux cœurs doux et compatissants, qui accordent à l’humain une valeur absolue et dont la priorité n’est plus la transformation de la matière, mais l’émergence d’une vie saine et pure.

« Nous le savons en effet, toute la création jusqu’à ce jour gémit en travail d’enfantement » (Lettre aux Romains 8, 22)

C’est le rôle des papas de tenir la main de celle qui enfante, de soutenir son courage et son espérance, d’assurer sa sérénité avec aplomb et confiance, avec conviction et engagement.

Que chaque papa tourne son cœur vers l’essentiel, vers l’essence même des choses, vers cet être neuf et fragile qu’il aura fait advenir et vers la personne qu’il aura choisie comme mère de ses enfants, et de cette manière, un monde de paix adviendra enfin.

 

[1] Ce mot n’est pas encore dans le dictionnaire, preuve qu’il s’agit là d’une nouveauté !

Pour en finir avec l’appropriation culturelle

Par Johane Filiatrault

__________________________________________________________________________________________________________

Plusieurs groupes ethniques, ces temps-ci, reprochent aux uns ou aux autres une faute que l’on nomme « appropriation culturelle ». J’aimerais ici qu’on m’explique en quoi le fait d’éprouver suffisamment de respect et d’admiration pour tel ou tel élément culturel qui n’est pas nécessairement le nôtre « de naissance » peut constituer un délit d’une telle gravité. En quoi le fait de vouloir faire la promotion d’un ou l’autre aspect d’une ou l’autre culture que l’on considère géniale nuit-il à l’ensemble ou au particulier ?

Car, à ce que je sache, nous appartenons tous à la même espèce humaine ! Et, selon les lois naturelles, tout échange culturel, tout ce qui peut permettre à l’ensemble d’évoluer vers un mieux-être, vers une pensée plus large et un meilleur agir humain, devrait être encouragé, favorisé et félicité, non ?

Moi, personnellement, en tant qu’individu, j’éprouve une grande fierté à ce que quelqu’un d’autre reprenne l’une ou l’autre de mes idées et la propage. Si quelqu’un juge utile de relayer ma pensée ou un aspect de mon vécu, n’est-ce pas effectivement la preuve de la pertinence de ce je que suis et de ce que je dis ou écris ? Tant mieux si mes idées et mon expérience se propagent et font leur chemin le plus loin possible ! Si mon souci est de faire progresser la réflexion de mes semblables en vue d’un mieux-être, d’une pensée plus large et d’un meilleur agir humain, bingo ! Le but est atteint. Mais si mon but était de me faire voir et de faire dire partout dans les médias : « Johane Filiatrault a émis telle idée ou a vécu telle expérience », là, oui, je pourrais crier à l’appropriation de ma pensée !

Humains de cette terre, quels sont nos motifs, je vous le demande ? Faire la promotion de ce que nous sommes individuellement ou poursuivre ensemble un haut et noble but ?

Vous vous rappelez cette histoire de la tour de Babel ? L’humanité n’avait qu’un seul et même langage (une seule et même culture) jusqu’au jour où l’orgueil prit le dessus, poussant les humains à vouloir manifester de façon ostentatoire leur grandeur et leur savoir. Conséquence de ce dérapage : langues et cultures se multiplièrent, divisant les humains en groupuscules, souvent en opposition les uns aux autres. Devons-nous conclure de cette histoire que, si nous souhaitons faire machine arrière, défaire les constructions de l’orgueil et faire advenir une ère de paix et de réconciliation humaine, nous devrons d’abord cultiver en nous-mêmes une vertu trop souvent oubliée, ayant pour nom « humilité » ?

« Ne faites rien par rivalité, rien par égoïsme ou pour votre gloire personnelle, mais, avec humilité, estimez que les autres vous surpassent » : c’est là la plus belle définition de l’humilité qu’il m’ait été donné de voir.

Estimer que tel ou tel aspect de la culture d’un autre individu ou groupe de personnes égale ou surpasse ma propre culture − et par le fait même, vouloir en faire la promotion : y a-t-il vraiment là une faute ?

Arts divinatoires et autres fantaisies

Par Jeanne du Mont

__________________________________________________________________________________________________________

De tout temps, les humains ont cherché à se connecter à l’au-delà. Plusieurs motifs les poussent à le faire : trouver des réponses face à des choix difficiles ; obtenir des encouragements pour affronter leur quotidien ; bénéficier de guidance ou d’assistance ; « acquérir » des lumières spirituelles ou des capacités surnaturelles.

L’humanité a, à cet effet, exploré une panoplie de canaux de communication, entre autres les songes, les locutions intérieures, les visions, l’écriture guidée, la nécromancie et la divination ; il y a dans la Bible et dans l’histoire des saints de nombreux exemples de communications célestes via ces différents truchements. De très nombreux exemples, dont les mystérieux Ourim et Toumim, portés dans l’éphod[1] des prêtres du Judaïsme ancien et qu’on définit comme un « instrument qui servait à donner la révélation et à déclarer la vérité »[2]. Intéressant !

Depuis belle lurette, pourtant, la plupart des pouvoirs religieux et ecclésiaux ont usé de divers moyens de répression envers ces canaux de connexion. Moyens de répression allant de la simple méfiance exprimée jusqu’à la violente extermination, en passant par la démonisation de ces pratiques et le rationalisme. Les prêtres et autres « détenteurs officiels des pouvoirs divins » tiennent à garder le monopole des « avenues vers Dieu », afin de garantir la sécurité de leurs ouailles, diront-ils. Mais il n’est pas nécessaire d’être devin pour conclure que cette apparente guerre contre « les moyens de toucher Dieu » sous-entend possiblement d’autres motifs chez ces chefs religieux – la prospérité de leur portefeuille entre autres et le maintien de leur autorité sur leurs fidèles : si leurs rituels sont les seuls moyens de se rapprocher du Créateur, leur pérennité est assurée. Mais peut-être existe-t-il un motif plus triste encore, peut-être que ces gens en autorité religieuse ont finalement trop peu d’expérience ou de compétence spirituelles pour se sentir outillés et capables de s’avancer sur les terrains périlleux des hauts domaines de l’Esprit…

Oui, les entités spirituelles sont extrêmement puissantes et il convient tout à fait d’user d’une grande prudence, quand on s’aventure dans leur domaine réservé. Oui, la personne qui se met en quête d’un message céleste risque de trouver en travers de sa route des esprits malintentionnés qui chercheront à l’égarer et à la perdre, plutôt qu’à la guider. Oui, les novices du domaine spirituel gagneraient grandement à se prémunir des dangers en se faisant accompagner par un·e guide spirituel·le aguerri·e. (Les marques de commerce de tel·le·s guides qualifié·e·s sont : gratuité, vie de prière, et profond respect envers le mystère personnel de l’individu qui se confie à lui·elle.)

Non, les rituels ne suffisent pas pour faire d’un humain une vivante icône de la gloire céleste et pour élever notre pauvre humanité au rang de dieu, programme de vie qui est pourtant celui auquel nous sommes tous et toutes convié·e·s. La vie spirituelle est l’indispensable complément et l’ornement ultime de tout chemin vers la divinité.

 

« Voici : nous avons peine à conjecturer ce qui est sur la terre, et ce qui est à notre portée nous ne le trouvons qu’avec effort, mais qui donc découvrira ce qui est dans les cieux ? Qui connaîtra Ton avis si ce n’est pas Toi qui donne la sagesse et si Tu n’envoies pas d’En Haut Ton Souffle Saint ? » Livre de la Sagesse 9, 16-17

 

Dans un prochain article, je proposerai certains moyens permettant d’entrer en communication avec l’au-delà, moyens qui, sans être 100% sûrs ou efficaces, ont le mérite d’être éprouvés.

 

[1] Éphod : élément de l’habit sacerdotal qui se portait vraisemblablement sur la poitrine et dont on ignore la forme précise ; y étaient contenus l’Ourim et le Toumim (dont on ignore également l’apparence et le mode d’emploi).

[2] John M’Clintock and James Strong, Cyclopedia of Biblical, Theological, and Ecclesiastical Literature, 1867-1881, “Urim and Thummim”.

Maître Fourmi

Par Jeanne du Mont

__________________________________________________________________________________________________________

Au milieu de toute cette agitation qui a saisi l’humanité face aux changements climatiques (manifestations, comités d’études, débats publics et autres actions humaines entreprises dans l’espoir de voir la lumière au bout du tunnel) ‒ agitation facilement compréhensible dans l’optique où la survie du monde dépend de nous ‒ quelle est la juste attitude à adopter ? Au milieu de ce sentiment parfois tragique que l’on se bat contre un plus fort que soi et que la cause semble perdue d’avance, existe-t-il une voie sûre nous permettant de bien servir la finalité souhaitée ? Comment réagir face à une telle urgence, dont nous sommes sans arrêt bombardé·e·s ?

S’agiter comporte certains risques, puisqu’il en ressort souvent, surtout chez les plus vulnérables, divers maux indésirables : panique générale, sentiment d’impuissance et troubles mentaux assortis, stress, mal-être, sentiment de culpabilité, idées suicidaires[1], etc.  Ou à l’inverse, désengagement total : « À quoi me servirait de m’engager si tout est perdu d’avance ? »

Comment s’assurer que nos attitudes et nos actions atteignent bel et bien la cible espérée ‒ un environnement sain et un développement durable ‒ plutôt que de contribuer (bien malgré nous et indirectement) à accélérer un processus malsain d’autodestruction de l’espèce humaine ? Autrement dit, comment amener toutes les énergies vives de 7,7 milliards d’individus à œuvrer ensemble dans une même direction, en vue du bien commun ?

Un tout petit insecte a peut-être à ce sujet quelque chose à nous enseigner. Il fait partie de l’une des espèces vivantes qui a le mieux réussi sur terre, s’adaptant à tous les environnements et toutes les conditions de vie. Penchons-nous un instant sur Maître Fourmi.

« Pas de contremaître chez les fourmis ouvrières », nous apprend une savante étude publiée en janvier dans la revue Proceedings of the Royal Society B. Ces insectes bâtissent des kilomètres de sentiers sans recevoir la moindre consigne et sans échanger la moindre information. Comment ? Chaque fourmi semble pleinement consciente de l’objectif commun et travaille inlassablement à résoudre à sa manière les problèmes rencontrés, contribuant sans relâche à l’œuvre collective. Aucune hiérarchie, personne qui pense pour l’ensemble, et ça marche !

Une organisation à imiter ?

Oui mais, puisque nous ne jouissons pas, nous humains, d’un tel instinct naturel, sûr et constructif, comment amener notre inconscient collectif à œuvrer pour sa propre cause ? Puisque la solution aux changements climatiques nous dépasse, où puiser les illuminations nécessaires pour orienter les directions à prendre ? Vers qui ou vers quoi se tourner ? Comment renouer avec ce qui, à l’instar des fourmis, quelque part en un temps préhistorique, était également l’apanage de l’espèce humaine ‒ cette sorte de loi intérieure qui, sans qu’on ait à se questionner, oriente nos actes vers le bien de l’espèce ‒ loi intérieure que l’on peut nommer « instinct », « sens du bien commun » ou « souffle saint » ?

Là où le cerveau abdique, les ressources de l’âme sont tout à fait surprenantes.

Renouer avec l’énergie vive qui participe à tout ce qui vit et qui bouge (certain·e·s nomment cette énergie créatrice « Créateur de toutes choses ») peut certainement nous laisser entrevoir les rouages qui sous-tendent notre univers. Et par ricochet, renouer avec cette source vive ne peut que nous permettre de mieux percevoir les solutions aux crises que nous traversons. Méditation et prière sont un chemin d’accès à ce « guide intérieur » qui permet aux fourmis ouvrières de bâtir sans boss et sans contremaîtres.

 

Peut-être que, ultimement, ce sont les maux de l’âme, déconnectée de sa source, qui entraînent la « rébellion de la nature », que nous constatons partout en ce moment. Peut-être que le vide intérieur, la surconsommation et le mépris de l’autre sont les causes absolues des multiples désordres environnementaux qui nous menacent. Raison de plus pour chercher activement à retrouver les chemins qui mènent à notre intérieur.

Guérir le mal à sa source, plutôt que de multiplier les traitements ponctuels.

Enseignons l’accès de l’âme à nos enfants, enseignons l’amour inconditionnel de l’autre ; et dans quelques décennies, auront été perdus à jamais les chemins menant à cet enfer où nous évoluons actuellement : l’humanité aura réinventé un paradis où il fait bon vivre.

 

[1] Entre 2015 et 2018, le nombre de jeunes qui ont été vus aux urgences de l’Hôpital de Montréal pour enfants pour des gestes ou des idées suicidaires a augmenté de 55%. Selon les données les plus récentes de Statistique Canada, le suicide est la deuxième cause de décès chez les 15 à 34 ans et la troisième chez les 10 à 14 ans.

 

Sortir le sacerdoce des Églises

Par Jeanne du Mont

__________________________________________________________________________________________________________

Le sacerdoce est un ministère spirituel essentiel. Selon les très anciens écrits, ce service a d’abord été l’apanage de personnes inspirées et inspirantes ‒ des gens que leur entourage reconnaissait comme tel. Mais très vite, on a voulu monnayer ou encadrer ce service rendu à l’humanité. On en a fait le privilège d’une famille en particulier (exemple : les descendants de Lévi dans le judaïsme) ou d’une caste choisie où seuls sont admis ceux qui ont un certain niveau d’érudition ou tel et tel parcours initiatique décrété par les dirigeants religieux. Et neuf fois sur dix, les femmes sont exclues de ce ministère sacerdotal. Comme bien des choses ici-bas, les plus nobles intuitions spirituelles peuvent se gâter avec le temps : dommage, car on a beaucoup perdu au change.

Quand les autorités religieuses ont, d’abord, pris le contrôle du sacerdoce, puis mis progressivement de côté certaines de ses caractéristiques essentielles, on a entamé un virage qui a vite dégénéré. Mais quelles sont ces caractéristiques essentielles perdues en route ? La gratuité du service, la nécessaire et lente maturation spirituelle qui rend apte au sacerdoce, l’absolue nécessité d’être tout à fait libre face à toute institution politique ou religieuse afin de pouvoir exercer dignement son sacerdoce. On a fait d’une haute fonction spirituelle un petit fonctionnariat étroit, dépendant de l’autorité et exclusif à une minorité d’humains. Une succession de fautes graves a fait du sacerdoce un concentrat[1] de scories, un ersatz[2] sans saveur, plutôt que le vin nouveau et délicieux qu’il devait d’abord être en son essence : une immense perte pour l’humanité, un effondrement hautement dommageable, un précipice sous nos pieds. « Frappez le berger et les brebis du troupeau seront dispersées », disent les Écritures (Zacharie chapitre 13,7).

Il nous faut donc retourner aux sources, retrouver l’esprit sacerdotal des origines et reprendre en main ce que les institutions religieuses nous avaient subtilisé. Il fut un temps, à l’époque des Juges, où une famille pouvait bâtir son propre sanctuaire, donner l’investiture à un desservant[3] de son choix et rendre là un culte agréable à Dieu (lire Juges, chapitre 17). Cette période florissante de l’histoire du judaïsme a été suivie de l’époque des Rois, où l’on a construit un très grand temple et organisé de façon de plus en plus stricte le sacerdoce. Le christianisme a suivi une « évolution » similaire… Le Christ avait simplement confié à quelques-uns de ses proches une mission d’enseignement et de guérison, mais trois siècles plus tard, une institution soutenue par l’État a progressivement pris le contrôle de la mission et des envoyés de Dieu et a tout structuré à sa manière. Elle a interdit aux femmes l’accès aux ministères (elles qui jouaient pourtant le rôle de cheffes de communauté aux premiers temps de l’Église), puis l’a interdit partiellement aux hommes mariés (vers l’an 1000). Elle a cadastré le territoire en fiefs (nommés paroisses et diocèses), fixé le montant de la contribution des fidèles, écrit un code de lois (le droit canonique), institué des tribunaux ecclésiastiques, etc. Ces institutions ont rendu toujours plus étroit le chemin de liberté spirituelle dévolu aux croyant·e·s.

N’est-il pas grand temps de réinventer un sacerdoce libre de droits et en marge des institutions ecclésiales ? Ce sacerdoce s’exercera au sein des familles et n’aura de compte à rendre qu’à Dieu seul (c’est déjà tout un programme !) en vue de l’épanouissement et de la croissance spirituelle de ceux et celles qui comptent sur le ministère des desservant·e·s.

 

 

[1] Concentrat : Dans les techniques industrielles et l’industrie de l’alimentation, mot qui désigne le fluide contenant les substances retenues par les membranes de filtration.

[2] Ersatz : Produit de consommation destiné à remplacer un produit naturel devenu rare ; succédané ; imitation médiocre.

[3] Desservant·e : terme qui remplace le mot « prêtre » dans la version de l’Ancien Testament d’André Chouraqui.