Martin Thibault, un poète d’ici et d’aujourd’hui
Par Rachel Filiatrault
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J’ai connu Martin Thibault lors d’ateliers au Festival international de la poésie de Trois-Rivières. J’ai tellement aimé sa façon de voir et d’enseigner la poésie qu’il est devenu mon directeur de poésie. C’est-à-dire qu’il m ‘envoyait (par le biais d’internet) des phrases de départ composées par différents poètes. Chaque semaine, je devais écrire un poème commençant par une phrase de son choix. Ainsi, de 2010 à 2011, j’ai évolué, j’ai cheminé en écriture avec M. Martin…
Mais parlons du poète. Récipiendaire du prix Jovette-Bernier en 1999, il a publié sept recueils, trois romans et deux essais, de 1995 à aujourd’hui. J’ai lu, entre autres, Haut fond, Les yeux sur moi, La totalité du paysage et Le radeau de papier. On peut dire deMartin qu’il est virtuose du réel, du concret. Mais il le prend, le nomme et l’élève. Tout en soulevant les grands questionnements de la vie, le passé, l’avenir, la mort, l’amour, le temps qui passe sous l’œil du poète nous ramène constamment à la nuit humaine… mais toujours avec cette touche poétique qui le caractérise.
Je vous laisse avec deux poèmes de Martin et un des miens (inédit). La phrase de la fin est aussi de Martin.
L’autre histoire
Le pépin est dans la pomme
Même sans croquer
On le sait
Quand la pomme a des oreilles
Et des mots à la bouche
Voilà l’autre histoire
Les dieux se chicanent pour un bout d’éternité
Le diable est aux vaches
Jésus n’y croit plus
Bouddha s’endort
Mahomet va enfin à la montagne
Le pépin est dans la tête
Même sans opérer
On le sait
Et me voilà
J’entends la bille de ton stylo qui roule
Sur le papier mince sur la table dure
Une boule de quilles sur une allée
De bois vernis
Et me voilà
Dans le sous-sol de la salle paroissiale
Debout autour d’une table au tapis vert
Où le son des abats se mêle
À celui de la blanche qui frappe la huit
S’arrête au bord de la poche
Je raccroche le diable à sa place
Puis mets du bleu sur ma baguette
Je regarde autour
Surpris
Cette impression de déjà vu
Et avec une force encore plus grande
Cette impression de déjà vu
J’étais en train de vivre un poème
Tu couches ton stylo sur un livre
Puis tu lève tes yeux bleus sur moi
Je te dis que tu étais déjà là
Dans la salle
Vingt ans avant de nous rencontrer
Nous sommes éternels
Et ce n’est pas dans la mort
C’est tout de suite ici
Dans la vie
Et voici mon poème…
Les tasses de couleurs
Certains matins on croit encore
Au bonheur [Cette première phrase est de Louise Dupré]
Petit café fringant
Confiture et beurre
Tintements des tasses de couleur
Un paquet de biscottes en miettes
Une nappe en fleurs
Un petit mot sur la table
Pour te rappeler
L’existence du pot de miel et de la marmelade de mots doux
Glissés sous ton oreiller hier au coucher
………………………
Et pour conclure, une phrase de Martin :
La tendresse, clé de tous les cadenas.