Un poète québécois bien connu : Gaston Miron (1928 à 1996)

Par Rachel Filiatrault

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Et vous, le connaissez-vous ? Mastoc, c’est le mot que je cherchais pour décrire sa poésie. Et je ne suis pas la seule de cet avis. Édouard Glissant, dans la préface de L’homme rapaillé, écrit : « Ce n’est pas fréquent d’aborder une tornade. Un grand corps bourré de grosses paroles qui tonnent, vous avez beau dire que les cyclones vous connaissez (…) quand vous rencontrez une tornade en forme de poète, vous n’avez pour autant pas le réflexe de vous préparez à un tel débordement ». Vous le devinez, cet homme a eu la vie tourmentée, jusqu’à l’emprisonnement en 1970 par suite des évènements que vous connaissez sûrement déjà, à cause de ses allégeances politiques et de son association avec le MDPPQ (Mouvement des Prisonniers Politique du Québec).

Mais Miron descend plus loin en lui-même ; l’amour est son cheval − cheval de trait, de bataille. Il aborde des sujets classiques avec une force de frappe rare et surprenante pour son époque. Le titre de son principal recueil L’homme rapaillé (1970 et reparution en 1999) le dit si bien : tout de lui en un seul recueil. Toutefois, dans l’édition de 1999 parue chez Gallimard, les deux dernières sections (soit ses poèmes d’allégeance politique) ne sont pas éditées, sans doute afin d’enlever le poids d’une certaine historicité et de circonstances qui ont pesé sur l’œuvre du poète.

Son livre avec des titres comme Mon bel amour, Ce corps noueux, Corole ô fleur, Ma désolée sereine, La marche à l’amour et Self defence nous fait voyager de son cœur aux rues et aux nuits de Montréal. « Et sous la grosse parole soudain vous entendez la voix qui murmure, le murmure ne rend pas mieux que la parole. » Édouard Glissant

Je ne vous en dirai pas plus long sur Gaston Miron qui mérite d’être lu et a droit à toute notre attention, ne serait-ce que pour connaître un pan de notre histoire et de notre langue. Voici deux de ses poèmes.

 

Déclaration

Je suis seule comme le vert des collines au loin

Je suis crotté et dégoutant devant les portes

Les yeux crevés comme des œufs pas beaux à voir

Et le corps écumant et fétide de souffrance

 

Je n’ai pas eu de chance dans la baraque de vie

Je n’ai connu que de faux aveux de biais le pire

Je veux abdiquer jusqu’à la corde usée de l’âme

Je veux perdre la mémoire à fond d’écrou

 

L’automne est revenue je me souviens presque encore

On a préparé les niches pour les chiens pas vrai

Mais à moi, à mon amour, à mon mal gênant

On ouvrit les portes pour dehors

 

Or dans ce monde d’où je ne sortirai bondieu

Que pour payer mon dû, et où je suis giguer déjà

Fais comme un rat par toutes les raisons de vivre

Hommes, chers hommes, je vous remets volontiers

          1-ma condition d’homme

          2-je m’étends par terre

Dans ce monde où il semble meilleur

Être chien qu’être homme

 

 

Mon bel amour

Mon bel amour navigateur

Mains ouvertes sur les songes

Tu sais la carte de mon cœur

Les jeux qui te prolongent

Et la lumière chantée de ton âme

 

Qui ne devine ensemble

Tout le silence les yeux poreux

Ce qu’il nous faut traverser le pied secret

Ce qu’il nous faut écouter

L’oreille comme un coquillage

Dans quel pays du bleu

Amour émoi dans l’octave du don

 

Sur la jetée de la nuit

Je saurai ma présente

D’un vœu à l’azur ton mystère

Déchiré d’un espace rouge-gorge

 

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