Tout est dans le fruit
Par Jeanne Du Mont
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Toutes les religions s’équivalent, en ce sens qu’elles ont la puissance d’élever l’humain au-delà de son espace confiné, au-delà du je-me-moi stérilisant et vide, au-delà de l’emprise du matériel qui étouffe, qui capture l’être et l’emprisonne. Les religions sont des systèmes conçus pour éduquer notre être profond, pour lui inculquer une discipline salutaire qui le tire vers le haut et le libère de ce qui le maintient à l’état larvaire.
Loin de moi l’idée d’avancer qu’un humain sans religion n’est rien qu’une larve ! L’état larvaire n’a par ailleurs rien de péjoratif : il est une potentialité, un merveilleux devenir en préparation, un secret destiné à se déployer au grand jour. Vu sous cet angle, l’humain sans religion ou spiritualité n’est rien de moins qu’une merveille en dormance.
Mais cela dit, il y a un mais… Les systèmes religieux sont gérés par des humains influencés comme tous ceux de la race par des appâts de cupidité, de plaisirs bon marché et de gloriole. On doit donc perpétuellement libérer les religions des castes de dirigeants qui y ont leur mainmise… Ou réinventer des spiritualités saines, ouvertes sur l’autre et libératrices.
Si votre religion (il y a des « religions » athées, ne l’oublions pas, prenant la forme de courants politiques, de pensées monolithiques ou de mécanismes d’exclusion) ou votre spiritualité ne vous porte pas à grandir en acceptance de vous-mêmes et de vos faiblesses, à vous détacher du prosélytisme militant (si accablant pour votre entourage), à voir en chaque être humain le reflet même de la déité et à le respecter et à l’aimer comme tel – si votre religion ne porte pas ces fruits-là, changez-en, de grâce !
Car nul besoin d’être unˑe devin ou unˑe grandˑe sage pour décréter ceci : l’avenir de l’humanité n’est envisageable que si chaque humain se met à se soucier intentionnellement et volontairement du bien-être et de l’épanouissement de l’autre, à favoriser l’autre autant qu’ilˑelle se favorise luiˑelle-même, à s’ouvrir à une pensée tournée vers l’humain.
L’harmonie et le plaisir de vivre sur cette planète où nous subissons un sort commun n’est possible qu’à ce prix. L’individualisme et la surconsommation ne peuvent mener qu’au chaos et dénaturent l’être humain, un « animal » grégaire, monogame et spirituel dans son essence même.
Vous arrive-t-il de vous demander pourquoi, de nos jours, trop d’ados cherchent à mourir ou à s’étourdir dans la vitesse, l’alcool et les drogues, pourquoi tant et tant d’enfants sont autistes, en déficit d’attention, hyperactifs, blasés et/ou irrespectueux, pourquoi les bébés même, pour certains, délaissent le réflexe vital qu’est celui de téter leur mère et pourquoi un nombre croissant de couples n’arrivent plus à procréer sans assistance médicale ? Peut-être devrions-nous cesser de ne chercher les causes de ces fléaux que dans les changements climatiques ou l’alimentation ou la pollution environnementale et scruter également notre manière d’être ensemble, en tant que collectivité, en tant que citoyenˑneˑs d’une même planète. L’écologie du corps et de l’esprit peut être une réponse très valable à nos immenses problèmes sociétaux ! Et ce n’est pas les modèles économiques axés sur la croissance qui nous sortiront de là – ne pas l’oublier au moment de déposer nos votes dans la boîte ces jours-ci…
Adolescente, il y a de cela plusieurs dizaines d’années, j’ai été profondément choquée, révulsée, quand un de nos professeurs du niveau secondaire nous a présenté en classe un documentaire sur les camps de concentration nazis. J’ai perdu foi en l’humanité ce jour-là (avant de la retrouver plus tard via une démarche spirituelle). Mais quand le culte de la personnalité, l’hédonisme, l’indifférence, l’intolérance, voire la haine, font désormais partie de la culture ambiante et nous bombardent chaque jour, se pourrait-il que même les touts petits êtres perdent à leur tour foi en l’humanité, cessent d’espérer, et s’emmurent hermétiquement, afin de résister à un climat toxique ambiant ?