Le poète Jacques Prévert (1900-1977)
Par Rachel Filiatrault
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Vous avez envie de rire, de vous distraire et d’apprendre en même temps ? Ouvrez ce bouquin ! Paroles de Jacques Prévert, écrit en 1946 et présentant des textes inspirés de l’époque du surréalisme : presque de l’écriture spontanée. Du plus petit aux plus grand (de 15 mots à 35 pages), certains poèmes, pour l’époque, sont faits de provocation et d’expressions nouvelles.
Prévert joue avec les mots et ce n’est pas peu dire, ne serait-ce que dans L’amiral et Cortège. Il procède aussi par l’anaphore, dans Tentative de description d’un diner de têtes à Paris et Salut à l’oiseau. Il y a aussi des images poétiques belles et fortes comme, par exemple, « Ceux qui sont chauves à l’intérieur de la tête » (Diner de têtes…) et « L’éblouissant orage du génie de Vincent » (Complainte de Vincent).
Ses thèmes préférés sont ceux de la dénonciation de la violence, de la guerre, de la politique bourgeoise et de la religion (Barbara, Pater Noster, La cène et La morale de l’histoire). La vie quotidienne à Paris fait aussi partie de ses sujets aimés ainsi que d’autres plus traditionnels : l’amour, l’enfance, l’oiseau (Le cheval rouge, Cet amour et Place du Carrousel) et bien d’autres encore.
Je vous recommande deux autres de ses volumes : Spectacle et Histoires (1949 et 1963), aux éditions Le point du jour NRF. Je vous laisse un avant goût du livre avec un de ses poèmes les plus populaires, Pour faire le portrait d’un oiseau.
Peindre d’abord une cage
avec une porte ouverte
Peindre ensuite
quelque chose de joli
quelque chose de simple
quelque chose de beau
quelque chose d’utile
pour l’oiseau
Placer ensuite la toile contre un arbre
dans un jardin
dans un bois
ou dans une forêt
Se cacher derrière l’arbre
sans rien dire
sans bouger
Parfois l’oiseau arrive vite
mais il peut aussi mettre de longues années
avant de se décider
Ne pas se décourager
attendre
attendre s’il le faut des années
la vitesse ou la lenteur de l’oiseau
n’ayant aucun rapport
avec la réussite du tableau
Quand l’oiseau arrive
s’il arrive
observer le plus profond silence
attendre que l’oiseau entre dans la cage
et quand il est entré
fermer la porte avec le pinceau
puis
effacer un à un tous les barreaux
en ayant soin de ne toucher aucune des plumes de l’oiseau
Faire ensuite le portrait de l’arbre
en choisissant la plus belle des branches
pour l’oiseau
peindre aussi le vert feuillage et la fraîcheur du vent
la poussière du soleil
et les bruits des bêtes de l’herbe dans la chaleur de l’été
et puis attendre que l’oiseau se décide à chanter
Si l’oiseau ne chante pas
c’est mauvais signe
signe que le tableau est mauvais
Mais s’il chante c’est bon signe
signe que vous pouvez signer
Alors vous arrachez doucement
une des plumes de l’oiseau
et vous écrivez votre nom dans un coin du tableau
Et voici ma propre version personnalisée de ce poème…
Pour faire le portrait d’une colombe invisible,
prendre d’abord une cage
avec une porte ouverte.
Peindre la cage en or.
Souffler un cœur rouge au milieu.
Un gros cœur.
Pour que la colombe arrive et devienne visible
il faut suspendre milles et une clés dorées tout autour.
Lorsqu’elle arrive, refermer tout doucement
mais en laissant une ouverture
pour qu’elle sache que, si elle veut partir,
elle peut le faire.
Et si elle veut rester,
elle peut prendre le gros cœur,
le glisser dans sa poitrine
et rester dans sa prison dorée.
Aussi il y aura toujours la lumière matinale et toi
pour lui tenir compagnie.
Peut-être aussi qu’elle pourra
longtemps étudier chacune des clés dorées
et en comprendre le sens.
Puis s’envoler.
Voilà.
Le titre de cette histoire sera :
Cage thoracique.
(Source des informations biographiques : Wikipedia)