Maître Fourmi

Par Jeanne du Mont

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Au milieu de toute cette agitation qui a saisi l’humanité face aux changements climatiques (manifestations, comités d’études, débats publics et autres actions humaines entreprises dans l’espoir de voir la lumière au bout du tunnel) ‒ agitation facilement compréhensible dans l’optique où la survie du monde dépend de nous ‒ quelle est la juste attitude à adopter ? Au milieu de ce sentiment parfois tragique que l’on se bat contre un plus fort que soi et que la cause semble perdue d’avance, existe-t-il une voie sûre nous permettant de bien servir la finalité souhaitée ? Comment réagir face à une telle urgence, dont nous sommes sans arrêt bombardé·e·s ?

S’agiter comporte certains risques, puisqu’il en ressort souvent, surtout chez les plus vulnérables, divers maux indésirables : panique générale, sentiment d’impuissance et troubles mentaux assortis, stress, mal-être, sentiment de culpabilité, idées suicidaires[1], etc.  Ou à l’inverse, désengagement total : « À quoi me servirait de m’engager si tout est perdu d’avance ? »

Comment s’assurer que nos attitudes et nos actions atteignent bel et bien la cible espérée ‒ un environnement sain et un développement durable ‒ plutôt que de contribuer (bien malgré nous et indirectement) à accélérer un processus malsain d’autodestruction de l’espèce humaine ? Autrement dit, comment amener toutes les énergies vives de 7,7 milliards d’individus à œuvrer ensemble dans une même direction, en vue du bien commun ?

Un tout petit insecte a peut-être à ce sujet quelque chose à nous enseigner. Il fait partie de l’une des espèces vivantes qui a le mieux réussi sur terre, s’adaptant à tous les environnements et toutes les conditions de vie. Penchons-nous un instant sur Maître Fourmi.

« Pas de contremaître chez les fourmis ouvrières », nous apprend une savante étude publiée en janvier dans la revue Proceedings of the Royal Society B. Ces insectes bâtissent des kilomètres de sentiers sans recevoir la moindre consigne et sans échanger la moindre information. Comment ? Chaque fourmi semble pleinement consciente de l’objectif commun et travaille inlassablement à résoudre à sa manière les problèmes rencontrés, contribuant sans relâche à l’œuvre collective. Aucune hiérarchie, personne qui pense pour l’ensemble, et ça marche !

Une organisation à imiter ?

Oui mais, puisque nous ne jouissons pas, nous humains, d’un tel instinct naturel, sûr et constructif, comment amener notre inconscient collectif à œuvrer pour sa propre cause ? Puisque la solution aux changements climatiques nous dépasse, où puiser les illuminations nécessaires pour orienter les directions à prendre ? Vers qui ou vers quoi se tourner ? Comment renouer avec ce qui, à l’instar des fourmis, quelque part en un temps préhistorique, était également l’apanage de l’espèce humaine ‒ cette sorte de loi intérieure qui, sans qu’on ait à se questionner, oriente nos actes vers le bien de l’espèce ‒ loi intérieure que l’on peut nommer « instinct », « sens du bien commun » ou « souffle saint » ?

Là où le cerveau abdique, les ressources de l’âme sont tout à fait surprenantes.

Renouer avec l’énergie vive qui participe à tout ce qui vit et qui bouge (certain·e·s nomment cette énergie créatrice « Créateur de toutes choses ») peut certainement nous laisser entrevoir les rouages qui sous-tendent notre univers. Et par ricochet, renouer avec cette source vive ne peut que nous permettre de mieux percevoir les solutions aux crises que nous traversons. Méditation et prière sont un chemin d’accès à ce « guide intérieur » qui permet aux fourmis ouvrières de bâtir sans boss et sans contremaîtres.

 

Peut-être que, ultimement, ce sont les maux de l’âme, déconnectée de sa source, qui entraînent la « rébellion de la nature », que nous constatons partout en ce moment. Peut-être que le vide intérieur, la surconsommation et le mépris de l’autre sont les causes absolues des multiples désordres environnementaux qui nous menacent. Raison de plus pour chercher activement à retrouver les chemins qui mènent à notre intérieur.

Guérir le mal à sa source, plutôt que de multiplier les traitements ponctuels.

Enseignons l’accès de l’âme à nos enfants, enseignons l’amour inconditionnel de l’autre ; et dans quelques décennies, auront été perdus à jamais les chemins menant à cet enfer où nous évoluons actuellement : l’humanité aura réinventé un paradis où il fait bon vivre.

 

[1] Entre 2015 et 2018, le nombre de jeunes qui ont été vus aux urgences de l’Hôpital de Montréal pour enfants pour des gestes ou des idées suicidaires a augmenté de 55%. Selon les données les plus récentes de Statistique Canada, le suicide est la deuxième cause de décès chez les 15 à 34 ans et la troisième chez les 10 à 14 ans.

 

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