Un poète actuel : Michel Pleau

Par Rachel Filiatrault 

__________________________________________________________________________________________________________

Michel Pleau est né en 1964 à Québec. Il a reçu le prix Octave-Crémazie en 1992 pour son recueil Le corps tombe plus tard, et le prix Alphonse Piché pour une suite poétique intitulée : Nous passons sous silence. Il a écrit pour les Éditions du Noroît, les éditions Le loup de Gouttière et Les écrits des Forges. En 2008, il remporte le prix du Gouverneur Général pour son recueil La lenteur du monde. Puis, plus récemment, en 2018, il est honoré du prix Jean-Noël-Pontbriand avec J’aurai bientôt ton âge. Il a également reçu de nombreux autres prix, distinctions et titres honorifiques. Titulaire d’une maîtrise en littérature et d’un certificat en animation culturelle, il enseigne la littérature à l’université Laval et donne de nombreux ateliers. Voilà donc pour le résumé de son parcours.

Ayant moi-même suivi de ses ateliers au FIPTR (Festival international de la poésie de Trois-Rivières), je n’ai que de bons commentaires à faire sur lui. Excellent professeur, passionné et impliqué, ses écrits sont à la hauteur de la poésie actuelle tout en étant également accessibles au grand public. C’est ce qui m’a tellement touchée lors de ma première lecture de ses textes : oui, on peut publier de la poésie contemporaine et viser un public amateur, pas nécessairement érudit ou intellectuel.

Ses poèmes sont tricotés de phrases métaphoriques et d’associations de mots inusitées qui illustrent sa pensée mais tiennent plus du rêve que de la réalité. C’est poétique «à fond». Vraiment de la grande qualité, de la haute voltige. Je vous recommande chaleureusement son deuxième recueil, La traversée de la nuit, et Le feu de l’autre rive. Pour ma part, je n’ai pas lu toutes ses parutions, au nombre d’une quinzaine, mais j’aime ses poèmes si pleins d’images et de sens, qui nous transportent au-delà des mots.

Voici deux de ses poèmes, tirés de La traversée de la nuit des éditions Le Noroît…

Parfois venait l’enfance

On goûtait le vent des mots

Des arbres s’enfonçaient

Nous regardions le temps

S’arrondir comme une maison

 

Il y avait les cendres du départ

Déposées sur la table

Avant la pluie

On entendait craquer les nuages

 

Et :

J’écrivais une lettre de neige

Dans la tranquillité des fenêtres

La musique mouillait la terre

 

Nous regardions le coucher des arbres

Pour ne pas nous renommer

Simplement toucher les ombres

Qui bousculent les rideaux

 

L’hiver sur ma table de travail

J’ignore ce qui me prend par la main

 

Et en voici un autre, tiré de Le feu de l’autre rive des éditions Les écrits des Forges :

 

Autour de moi

les statues laissent tomber leurs âmes

 

Du paysage

j’affirme ma présence

et repousse les barques inquiètes

échouées contre la mort

 

j’aime les vents qui rêvent

et recommencent ma solitude

 

depuis le premier jour

les mots convoquent le souffle des naissances.

 

Comme vous l’avez sûrement remarqué, ce sont de courts poèmes et ils sont tous sans ponctuation. C’est une tendance dans la poésie d’aujourd’hui. Le poète est libre.

 

Nous sommes déjà à la fin de cet article et j’ai le goût de vous laissez un petit truc d’écriture. Il s’agit de la banque de mots. On recueille tous les mots qui nous viennent à l’esprit et aussi ceux que l’on cueille dans les revues, les autres livres, et chez les autres poètes. Puis l’on dispose ces mots dans tous les sens sur une feuille blanche ou un carnet et le processus commence : on « allume » sur un mot qui devient vite une expression de soi-même. Une phrase naît et bientôt tout un poème. Voici donc un de mes poèmes, écrit de cette façon…

J’étais un enfant et déjà

Je cherchais le désordre en moi

Les puits d’abandon

Aveugles et secrets

Me portaient au contraire

Au plus haut sommet des sources

Le cri de l’oiseau déraciné

Renversait les îles

Sans âges entre mes mains

Mes jouets noués au feuillage des chambres

Échappaient aux vents lointains

Je plongeais mes larmes

Et mes sourires

Dans mes tiroirs

Figés entre les saisons

 

Dans mes armoires

Les bêtes tremblantes

Devenaient mes clés

Moi  enfant sombre et impalpable

 

Et ici se termine cet article. Tous mes vœux de bonne année, et à la prochaine !

 

Leave a Reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

You may use these HTML tags and attributes:

<a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>