Islamophobie et autres enjeux de laïcité

Par Johane Filiatrault

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À l’heure où l’islamophobie fait couler beaucoup d’encre, je me sens l’obligation intérieure de me dissocier publiquement de ce mouvement de peur qu’entretiennent trop de Québécoisˑeˑs. Selon mon expérience personnelle, la rencontre interculturelle et interreligieuse vécue dans la confiance et l’ouverture mutuelle m’apparaît plutôt être une source d’enrichissement réciproque et, pour qu’une telle rencontre soit possible, il faut qu’au moins un des deux partis aborde l’autre amicalement. (J’en ai d’ailleurs fait l’un des thèmes clé de mon nouveau roman, Mémoire d’Outarde, qui paraîtra sous peu aux Éditions Tsemantou). Cela est d’autant plus vrai si ces gens d’autres cultures qui nous font peur, migrent chez nous et viennent habiter notre voisinage.

Pour briser la peur, il faut apprendre à connaître l’objet de nos appréhensions. Et n’appartient-il pas aux citoyenˑneˑs de la nation hôte de faire les premiers pas vers les nouveaux arrivants, tout comme il appartient à la personne qui reçoit chez elle des invitéˑeˑs de les recevoir chaleureusement et de les mettre à l’aise ?

Cela étant dit, j’éprouve suffisamment de respect et d’attachement philanthropique envers ces immigrantˑeˑs pour affirmer ceci : tout ce que j’ai souhaité et mis en œuvre pour le bonheur et le bien-être de mes propres enfants, je le souhaite également de tout cœur pour leurs enfants à euxˑelles.

Il y a dix ans, nous avons fait un choix de société au Québec, un choix qui a fait que, désormais, l’enseignement religieux et la pastorale ne font plus partie du programme scolaire des écoles publiques.  J’ai été la première à l’applaudir – j’ai pourtant la foi chrétienne tatouée sur le cœur – parce que je crois que les enfants ont droit à la liberté religieuse et que leur en imposer une ou l’autre est un manque de respect envers leurs droits fondamentaux : le prosélytisme n’est pas l’affaire de l’État et nos taxes ne doivent pas servir à l’entretenir, quelle que soit la religion prônée.

C’est la raison pour laquelle je continue et continuerai à affirmer que l’État doit retirer son financement aux écoles privées qui ont encore à leur programme l’enseignement d’une religion unique. Mieux encore, l’État doit interdire sur son territoire toute école où des enfants sont soumis à un enseignement religieux unidirectionnel quelconque. Puisque je ne souhaite pas que mes enfants soient embrigadés dans une religion étroite, sexiste et réactionnaire, pourquoi j’accepterais que les enfants des migrants d’autres religions ou les enfants de parents ultra religieux soient soumis à une telle éducation ? Pourquoi ce que je juge bon pour mes enfants ne le serait pas pour les enfants des autres ? Pourquoi certains enfants seraient exclus d’un tel choix de société considéré comme bénéfique et juste ?

Jusqu’à quand l’État paiera-t-il pour perpétuer cette prétendue « liberté de religion » qui ne respecte la liberté que des parents et des intervenants scolaires ? Les enfants du Québec – tous les enfants du Québec, nouveaux migrants ou non – ne méritent-ils pas mieux que cela ?

Quant à savoir si les professeurˑeˑs devraient afficher l’une ou l’autre religion dans leur manière de se vêtir ou les accessoires dont ilˑelleˑs s’ornent, la réponse m’apparait évidente : si l’école est religieusement neutre, ses intervenantˑeˑs doivent également l’être, au moins extérieurement. Le message véhiculé à tous les enfants sera alors sans ambiguïté : le choix d’être croyantˑe ou adhérentˑe par rapport à telle ou telle spiritualité est quelque chose qui se vit dans l’intime de l’être et qu’on devrait pouvoir deviner sans qu’aucun signe extérieur ne le souligne, un choix qui devrait transparaître dans la manière d’appréhender la vie et dans l’ouverture envers les personnes croisées au hasard de la vie.

 

Image : Jean-Léon Gérôme [Public domain], via Wikimedia Commons

 

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